Dictionerfs – Inédits – TÊTE DE CLASSE DÉCAPITÉE

TÊTE DE CLASSE DÉCAPITÉE, Kaputt canicule (les têtes de l’été)

C’est la saison des constitutions de classes, des tableaux à fiches et gommettes. Sous ces airs de papier, dans la salle des profs, se cache une vraie férocité. Même les gommettes bleues des élèves qui font latin semblent se gorger de ce déchaînement de violence.

sachet-6-planches-gomm-bleu-sachet-6-planches-gomm-bleu-fonce-15mm-3065505607571_0Tout est défiguré. Sans pitié, des têtes de classe sont coupées. De la 5ème à la 3ème, les classes sont décapitées. Et c’est avec d’anodines fiches Bristol que les professeurs revendiquent leur forfait. Rassemblés, à l’arrache, ils composent les classes à la hache. Ils se mettent en position têtes chercheuses, répartissant avec équilibre les têtes chères et les têtes chieuses. C’est plus dur avec les classes de 6ème : les élèves sont nouveaux et c’est une classe qui tète à peine.

C’est un fait de fin d’année : toute classe est condamnée à avoir sa tête tranchée (sa queue aussi, d’ailleurs). C’est pour son bien. Pareil à Guillotin qui était un philanthrope, le professeur est bienveillant. Il est hétérogénial dans son concept d’hétérogénéité. C’est sur l’air du Coupeur de Juin qu’il gueule, qu’il classe, qu’il lit dans les entrailles des classes anciennes de quoi sera fait le futur des classes de demain. Sa main ne tremble pas lorsqu’il coupe.

Quand tout est fini, il s’agit de faire une photo. Pour se souvenir, enregistrer, authentifier. Le professeur se fait alors un selfiche bristol. Il met sa tête à côté du tableau, se tire le portrait et se tire ailleurs. Et si, en septembre, la classe ne ressemble pas à la photo ce sera la faute aux autres, à la main invisible du marché de l’éducation.

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